Beaucoup d’apiculteurs pratiquent leur passion comme un hobby. Ils ne comptent ni leurs heures, ni leur argent. C’est tout à fait respectable.
Mais comme « professionnel » veut dire « en vivre », nous allons donc aborder le travail de l’apiculteur en tenant compte des aspects organisation, planning et financier.
Quelle apiculture choisir ?
On peut s’installer apiculteur professionnel en ayant des idées très différentes.
Production de miel ? En gros ou au détail ?
Production Bio ?
Production d’essaims ?
Eleveur de reines ?
Producteur de gelée royale, de pollen ?
Production de produits dérivés, pain d’épices, …
Revendeur du miel des autres ?
Production de miel ? En gros ou au détail ?
En Belgique, la production de miel en gros semble difficile, car les productions de miel par ruche sont assez faibles et les cours de miels du marché mondial ne sont vraiment pas rémunérateurs. En revanche la vente de miel en demi-gros à des commerçants ou mieux au détail directement aux particuliers est plus rémunératrice, mais demande plus de travail également.
Production Bio ?
Le cahier de charges BIO demande notamment que les ruchers de l’exploitation soient situés à plus de 3 km d’autoroutes, de ville, de stations d’épuration, … ce qui limite très fort les emplacements possibles en Belgique.
Production d’essaims ?
En Belgique, la production d’essaims est plutôt considérée comme une diversification faite par les apiculteurs, mais ces derniers temps il y a une bonne demande.
Eleveur de reines ? Producteur de gelée royale, de pollen ?
Nécessite beaucoup d’organisation et un timing très précis.
Mais demande moins de travail physique.
Organisation du travail : Planification – ergonomie – optimalisation des déplacements
Combien de temps nécessite le travail aux abeilles ?
Vu que chaque exploitation est différente, il est conseillé à chacun de noter durant une année tout le temps qu’il passe en apiculture.
Voici un relevé fait de novembre 2003 à octobre 2004 chez Valléro
Une moyenne de 85 ruches (de 65 à 100)
1.017 heures de travail (5.451km)
Production 2 tonnes de miel
Répartition du travail par ruche sur une année
Au rucher 5h1/4 par ruche, soit 43%
A la miellerie 2h1/4 18%
Pour la vente 1h1/4 11%
Pour l’entretien 3h1/4 27%
Total 12 h/ruche/an 100%
(12h/ruche/an, c’est trop pour un professionnel !)
60 km / ruche / an
Pour optimaliser ses déplacements, l’apiculteur organisera ses circuits de visite de ruches de façon à faire le moins de km possible. L’emplacement des ruchers sera relativement proche de son domicile. Les ruchers seront accessibles avec un véhicule.
Le matériel
A standardiser au maximum : un seul type de ruche, un seul type de cadre. Modèle standard pour pouvoir faire des échanges le plus facilement possible. Matériel transportable (léger, tous les éléments fixables)
Uniformisation des ruchers : nombre de ruches semblables, pas de mélange ruches d’élevage et ruches de production dans un rucher. Certains préconisent l’uniformisation des colonies.
Matériel à prévoir :
- Une grille à reine par ruche
- Une ruchette par deux ruches
- Un plancher de réserve pour 4 ruches
- Un nourrisseur pour 3 ruches
- Un chasse-abeilles pour 3 ruches
Quelle race d’abeilles choisir ?
Il ne faut pas être « raciste », chaque abeille a ses avantages et inconvénients.
La noire est bien adaptée à notre environnement, est rustique, économe et consomme peu.
La Buckfast, démarre plus tôt, fait de fortes populations, demande plus de suivi, de nourrissement, de travail.
Chacun se renseignera en fonction du type d’apiculture qu’il veut pratiquer.
Ergonomie
Mettre les supports de ruches à hauteur de façon à ne pas devoir se baisser lors des visites de colonies.
Avoir une place (un toit de ruche, une brouette) pour déposer les hausses sans se baisser.
Prévoir un espace entre ses ruches de façon à pouvoir les visiter de côté.
Déplacement de ruches : à faire à deux (le compagnonnage est pour cela une aide formidable)
Dans la miellerie :
- Tout avoir de plain pied
- Tous les transports avec des chariots
- Pas de câbles électriques au sol
Visites de colonies
Préparer ses visites : réfléchir au matériel dont on aura besoin. (Refaire 20 km parce que l’on a oublié son enfumoir est inadmissible !)
Avoir une réserve de ruchettes, cadres bâtis et à bâtir, des partitions, de cages à reine, de marqueurs, ….
Prendre toujours ses fiches avec soi.
Exemple de fiche
Faire les visites toujours dans le même ordre (sauf si une ruche est vraiment réputée méchante) et classer ses fiches de ruches dans le même ordre.
Planning annuel
Les grandes lignes du planning sont reprises sur le tableau ci-dessous:
Tenir un tableau des opérations faites aux différents ruchers
Exemple :
Combien de ruches faut-il pour en vivre ?
Le première chose a déterminer : quels sont les besoins financiers de l’apiculteur ?
Chacun a des besoins, une situation différente : chacun adaptera donc les chiffres suivant son cas.
Faisons l’hypothèse d’un jeune apiculteur souhaitant s’installer. Il lui faut, en calculant grossièrement :
Un salaire, permettant de se nourrir, entretenir une famille : 2.000 €/mois | 24.000€/an |
Un loyer pour une maison avec miellerie : 1500 €/mois | 18.000€/an |
Un véhicule : 25.000 km/an | 10.000€/an |
Remboursement d’emprunt pour matériel apicole 1.500 euro/mois | 18.000€/an |
Total | 70.000€/an |
Dans ce cas, nous devons donc trouver 70.000 €/an de marge (pas de chiffre d’affaire) pour notre jeune apiculteur.
Que peut rapporter une ruche par an ?
Vous savez, comme moi que c’est très variable, suivant l’année, la situation géographique, l’environnement, le savoir-faire de notre apiculteur.
Supposons que notre apiculteur produise, par ruche une moyenne de 20 kilos de miel, qu’il tire un essaim d’une ruche sur deux et qu’il mette la moitié de ses ruches en pollinisation.
Cela donne :
20 kilos vendus à un prix moyen de 12 €kg soit 240 € (si vente au détail !)
1/2 essaim vendu à 140 €/p soit 70 €
1/2 pollinisation à 60 €/p soit 30 €
Soit une rentrée théorique de 340 €/ruche/an, (si tout est vendu et qu’il n’y a pas de perte !)
Cela coûte :
40 pots a miel à 0.40 €/p soit 16 €
40 étiquettes à 0.25 €/p soit 10 €
18 € de nourissement
12 € de cire
15 € de produit de traitement
12 € de divers, attaches, peintures, Afsca, abonnements, cotisation, …
12 € pour une nouvelle reine tous les 2 ans
5 € pour l’emplacement
Soit une sortie de 100 €/ruche/an
Dans ce cas une ruche rapporterait 340 – 100 = 240 €/an.
Notre apiculteur doit donc envisager une exploitation de 70.000 €/240 € soit 300 ruches. Plus 100 ruches pour les pertes hivernales, soit un total de 400 ruches.
Autres productions possibles de l’apiculteur
Outre le miel, la pollinisation et la vente d’essaims déjà envisagés ci-dessus, voici une liste de rentrées possibles. Tout faire n’est pas possible, il faut faire des choix.
Elevage et vente de reines, récolte du pollen, de la gelée royale, de la propolis, …
Des produits dérivés : pains d’épices, boissons au miel, couques, savons, bonbons, vinaigre, …
Des services : location de colonies, mise à disposition de miellerie, cours de formation, visite de ruches, portes ouvertes, …
Valorisation du miel
Le label « Perle du Terroir » et bientôt l’ « IGP » permettront de mettre le miel en valeur pour le différencier des autres miels du commerce.
Fiscalité
Une déclaration à l’Afsca est obligatoire pour tous. Vous ne paierez une redevance qu’à partir de 25 ruches ou si vous êtes producteur secondaire.
Une déclaration à la TVA est également nécessaire.
Noter que le miel se vend avec 6% de TVA et le matériel s’achète à 21% de TVA.
Des aides de la région Wallonne, lors d’investissement, d’engagement de personnel sont possibles.
Conclusions
L’apiculture est un métier formidable, très varié, proche de la nature, mais risqué.
L’apiculteur peut assez facilement s’adapter en fonction de la demande, soit produire plus de miel ou plus d’essaims suivant les nécessités, il peut être transhumant ou rester sur place et de nombreux produits différents peuvent être offerts.
Robert Lequeux
www.vallero.be