compte rendu d'un colloque bien particulier.
C'est le 28 septembre, dans l'hôtel de ville de la Grand Place, au cœur de Bruxelles que nous, apiculteurs, amoureux de la nature ou simples intéressés avions
rendez-vous. Arrivée sur la Grand Place, je me sentais un peu perdue. Allais -je voir des amis, des connaissances, ou juste personne? Mais bien vite, ma petite nervosité disparu! Des têtes connues étaient bien là, des apiculteurs abonnés aux fameux cours du dimanche apparurent par brassées. Après le rituel du bonjour, nous sommes entrés dans le fameux hôtel de ville où nous avons été accueillis par Luc Noël en personne ( animateur télé).
La salle était pleine à craquer, les chaises occupées jusqu'à la dernière. De mémoire d'animateur, on n'avait jamais vu la salle de l'hôtel de ville aussi remplie pour un colloque. L'échevin de l'environnement et des espaces verts, monsieur Bertin Mampaka nous a accueilli par un petit discours rapide et énergique avant de disparaître dans ses activités d'échevin. Après vinrent les présentations proprement dites, celles qui retiennent sûrement votre attention en ce moment.
Premièrement, Céline Detremmerie, (APIS) nous a parlé de son travail dans la ville d'Ath où elle a utilisé des abeilles afin de mesurer le niveau de plomb dans l'environnement immédiat. Elle compare l'abeille à une petite brosse poilue qui capte tous les polluants sur elle, via les poussières, mais aussi au niveau de ses prélèvements (pollen, nectar, propolis, eau ,..). En effet, grâce à cette caractéristique, l'abeille est utile lorsque l'on veut démontrer une pollution dans un environnement restreint. Elle est fortement touchée lors d'une pollution bio-chimique de son environnement. Et l'état d'une colonie permet de connaître l'état de celui-ci. Elle nous a aussi parlé de la valeur économique de l'abeille dans l'agriculture. Celle ci est responsable d'1/3 des récoltes, ce qui représente plusieurs billions d'euros de bénéfices par an .
Après cette demoiselle vint le Dr Denis Michez (UMons), professeur d'université qui nous a parlé de l'impact de l'aménagement du territoire sur les abeilles sauvages. La conclusion de ses recherches est que certains types d'abeilles sauvages ont disparu du fait des engrais azotés. En effet, ces abeilles butinent uniquement des légumineuses (lamiacées). Hors, celles- ci ont disparu de nos paysages agricoles (remplacées par ces tonnes d'amendements issus de l'industrie chimique), fauchées par l'homme qui ne les considère plus comme utiles...
Le Dr Ir Szaniszlo Szöke, (CARI) nous a parlé ensuite du varroa, ennemi numéro 1 des abeilles mellifères. Ceux-ci sont arrivés dans les années 80 en Europe via la transhumance, cadeau des abeilles asiatiques à nos abeilles qui n'ont pas acquis le comportement d'épouillage. Chaque année, les apiculteurs perdent environ 30% de leur cheptel à cause de ce parasite.
A ce moment arrive une pause bien méritée. Le groupe de colloqueurs se retrouve ensemble dans une salle attenante afin de partager des boissons et des biscuits. Là, discussions enthousiastes et résumés de la situation animent la petite foule. Après ces quelques minutes d'interlude, nous sommes rappelés à nos sièges pour la suite des présentations.
Pour commencer la deuxième partie, Pierre Rasmont (UMons) a présenté la perturbation du cycle de l'azote sur les abeilles. Ce professeur part tous les ans avec ses élèves dans divers pays d'Europe, afin de faire des prélèvements et de mesurer l'augmentation et/ou la diminution des populations d'abeilles sauvages et de bourdons. En effet, il semblerait que le surplus d'azote utilisé en agriculture et produit par l'élevage hors sol se retrouve dans l'atmosphère et se concentre au final dans tous les types de sol. Ces retombées d'azotes sont passées de 5kg par an à plus de 80kg ! Cette modification dans le sol a un impact important sur le type de flore qu'on y retrouve. Les paysages oligotrophes se transforment peu à peu en paysages eutrophes. Les abeilles sauvages et bourdons butinant les premiers types de fleurs ne trouvent plus rien pour se nourrir et disparaissent. Il semblerait de plus que les bourdons volent « plus haut » que d'habitude. On les retrouve à des hauteurs plus élevées, ce qui indique que le réchauffement climatique est bien plus important que prévu. Ces bourdons et abeilles sauvages se déplacent et leur répartition géographique naturelle a bougé de quelques milliers de kilomètres depuis 1954. Cette présentation précise démontre que nos abeilles et bourdons sauvages peuvent, eux aussi, être des sentinelles de l'environnement en nous donnant des informations sur l'état de celui-ci.
Vint ensuite la présentation de Marc Wollast, initiateur de ce colloque qui nous parle du thème « la ville durable vole au secours des abeilles ». Il y explique qu'il y a 150 ans, la nature n'avait que des qualités esthétiques dans nos sociétés, on ne pensait pas à la biodiversité ni aux valeurs pollinifères ou nectarifères que les plantes pouvaient avoir. Depuis, les choses ont bien changé, les mœurs évoluent et de vrais changement se déroulent peu à peu dans les villes. La preuve : nos abeilles se sentent mieux en ville qu'à la campagne. Pourquoi? La ville accueille environs 500 espèces de plantes différentes, leur nourriture est donc étalée dans le temps et surtout variée! La température en ville est légèrement supérieure à celle des campagnes ce qui fait sortir les abeilles plus tôt et aussi plus tard. À 12°C, peu d'abeilles sortent, à 15°C elles sortent toutes. Néanmoins on remarque que si les bourdons et abeilles sauvages généralistes (qui se nourrissent d'un peu de tout) se sentent bien en ville, il n'en est pas de même pour les spécialistes ayant un régime alimentaire spécifique d'un type de plantes.
Après cette présentation, un film réalisé par Jean-Claude Hardy et Brigitte De Boeck (Natagora Bruxelles) nous emmena dans un petit monde magnifique au cœur de Bruxelles. Une ville miniature que des abeilles solitaires ont choisi comme site de nidification. Aux pieds des passants, à même le sol dans un petit bout de terre à nu, la caméra les suit lors de leurs tentatives pour creuser leurs nid, y pondre leurs œufs et tenter de les protéger contre leurs prédateurs. Un petit film qui nous donne envie de regarder le sol en quête de ces courageuses solitaires au lieu de regarder devant nous.
La dernière présentation fut celle de Frédéric Jomaux et Maximilien Fontaine qui nous ont parlé des aménagements urbains favorables aux abeilles. La ville est structurée différemment selon l'endroit et donc, voit ses aménagements verts différés. Devant l'hôtel de ville on verra des annuelles sans aucunes valeurs nectarifères mais esthétiques. Tandis que dans la gestion des parcs sera différente. On y retrouvera des plantes butinables par nos insectes. Les pelouses ne seront pas toutes tondues selon l'usage que l'on en fait ( ex: terrain de foot et zone loin des regards dans un parc). Les espaces verts seront donc finalement classés dans des catégories; Espaces horticoles, jardinés, rustiques, naturels. Et selon cette classification, ils seront gérés selon des buts différents. Ex; L'espace jardiné ne contient que des vivaces et sera bien tondu, le rustique est fauché la plupart du temps, le naturel ne demande qu'un entretien par an voire par 2 ans. À vous de deviner la catégorie des parcs qui vous entourent...
Après cette dernière présentation, un flot de questions émanèrent de l'assemblée, tant et si bien que Luc Noël dut les raccourcir au maximum pour rester dans le timing prévu. Et oui, tout le monde avait quelque chose à dire, tout le monde était emballé par ce colloque. Il faut dire que la variété des présentation et leurs qualités ne pouvait que nous pousser à intervenir ! J'applaudis à deux mains les intervenants et l'organisation de ce colloque très intéressant, espérons que le prochain sera encore plus riche !
Aude Bacart