La traditionnelle « Journée de Janvier » du programme miel européen s’est, comme attendu, déroulée à distance cette année, et en deux étapes.
Les différentes présentations (chiffres de miellées, du labo, rapport d’activité Arista, etc) étaient en ligne une quinzaine de jour avant la date de la conférence.
Et le 19 février dernier, en soirée, près de 200 personnes ont participé à la réunion. La séance de questions/réponses était plutôt calme.
La parole fut rapidement donnée à Monsieur Gilles Lanio, ancien président d’Apimondia et apiculteur dans le Morbihan, région où le frelon asiatique a fait des ravages dès 2014.
Le tableau est sombre : le frelon asiatique n’a pas de prédateur, son territoire augmente de 80km par an et il peut voler sur une distance de 40km sans s’arrêter (et pourra donc traverser le détroit de Gibraltar).
En 2020, 54% des nids secondaires étaient situés à moins de 5 mètres du sol, ce qui augmente le danger pour la population puisqu’il attaque violemment en cas de vibrations.
Le frelon asiatique est citadin, et très présent dans les villes. La fondatrice y trouve beaucoup plus facilement un abri pour son nid primaire et les ressources alimentaires dont elle a besoin.
Les colonies souffrent indirectement de la présence du frelon asiatique qui les stresse et les empêche de se développer. Les butineuses et les chercheuses d’eau ont peur de sortir et la colonie dépérit.
Il s’attaque également aux reines d’abeilles, assez lentes tant au départ qu’au retour de leur vol de fécondation.
Lorsque la pression du frelon asiatique est forte, le frelon européen ne trouve plus assez de nourriture et s’attaque également aux abeilles.
Gilles Lanio recommande le piégeage des fondatrices au printemps, selon un protocole très précis.
Il préconise l’utilisation d’un piège à guêpe classique avec comme appât de l’alcool (qui fait fuir beaucoup d’autres insectes), du nectar de banane, du sirop sucré, de la confiture, qu’il pose lorsque les fondatrices commencent à s’installer. Chez lui en Bretagne cela correspond à la floraison du prunier. L’appât doit toujours être très frais, ne pas hésiter à le changer régulièrement. Lors des visites on peut sauver les autres insectes à l’aide d’une fourchette.
En dessous de 15° les pièges ne fonctionnent pas. Plus il fait chaud plus les reines sortent loin et longtemps et plus les pièges sont efficaces.
Lorsqu’elle s’installe, la fondatrice cherche des glucides pour elle et des protéines pour ses larves. Elle butine certaines fleurs, dont les plantes de sa région d’origine, et est même capable de rentrer discrètement dans une ruche à la recherche de miel.
L’apiculteur pose son piège entre deux ruches, à hauteur de la planche de vol, à proximité de plantes attirantes pour le frelon (elles aiment beaucoup les cotonéasters horizontalis, certains fruitiers).
Il laisse le piège pendant 5 à 6 semaines. Les premiers frelons naissent après 30 jours, et sortent une dizaine de jours plus tard. À partir de ce moment-là la reine ne sortira plus et on ne pourra donc plus la piéger. C’est le moment d’ôter les pièges. C’est à partir de ce moment-là que les frelons européens risquent de se faire piéger.
Dans une dizaine de pièges posés entre le 8 avril et le 9 mai, Mr Lanio a attrapé 1080 fondatrices en 2019 et 650 en 2020.
Lorsqu’on observe des frelons de petite taille devant les ruches au printemps c’est qu’il y a un nid primaire à une centaine de mètres. Pour le localiser il suggère de poser des appâts en libre-service et en milieu découvert et d’observer la direction que prennent les frelons. Puis de déplacer l’appât en direction du nid ; généralement il n’est pas loin, et facile à détruire.
En été, les frelons sont installés dans leur grand nid secondaire, et se multiplient très rapidement. Une certaine forme de piégeage peut être mise en place, de nouveau en suivant un programme strict : pose d’un appât attractif en libre-service à 50m des ruches et habituer les frelons à cet apport. Après 8 à 10 jours, remplacer la nourriture par un ou deux pièges, ce qui permettra d’en piéger beaucoup. Après deux ou trois jours, remettre la nourriture et recommencer. Cela provoque des saignées régulières sur les colonies aux alentours et une diminution de la pression sur les colonies d’abeilles.
En Bretagne comme ailleurs, les premières années tout était axé sur la destruction des nids, qui engendre des coûts importants (150€ par nid en moyenne). Le piégeage de printemps permet d’éliminer un grand nombre de fondatrices pour un budget très faible. Depuis 3 ou 4 ans, ses ruches ne souffrent plus de la présence du frelon.
Différents moyens de protéger les ruches sont évoqués par les participants :
La réduction de l’entrée, qui est une mauvaise idée puisqu’elle permet au frelon de se positionner devant l’entrée et oblige les abeilles à ralentir en rentrant.
Les muselières et autres grillages semblent bien fonctionner mais ne sont pas pratiques pour les apiculteurs qui ont beaucoup de ruches.
Les systèmes de harpes électriques sont coûteux, ont besoin de courant électrique, s’oxydent rapidement et risquent d’être détruits par d’autres animaux.
L’utilisation de drones pour le repérage et la destruction des nids secondaires est parfois préconisée. Gilles Lanio insiste sur le fait que le drone avec caméra thermique ne peut être utilisé que si on est certain de la présence d’un nid. En effet, le haut du nid est très bien isolé et n’apparaitra pas. Contrairement au bas du nid, qui pourrait être repéré depuis le sol à l’aide de jumelles, en ville notamment. Le drone risque en outre de se faire attaquer si des vibrations sont perçues par les frelons.
La destruction des nids soit se faire avec calme et lenteur. Gilles Lanio utilise un aspirateur, à l’aide duquel il vide le nid par le trou de vol. Les ouvrières reviennent jusqu’à 2 heures plus tard et se mettent en essaim, il est alors facile de les attraper. En Bretagne les désinsectiseurs suivent une charte de bonne conduite, qui les force à travailler lentement pour éviter que les frelons n’attaquent et que la reine ne se sauve avec comme conséquence un nouveau nid dans les 3 jours. Ils doivent également détruire les nids. Les coûts varient de 70 à 208€ selon la hauteur.
Anne Van Eeckhout