Afin de réduire les risques de fièvre d’essaimage et selon leurs objectifs apicoles, le rythme de leurs visites et le rapport couvain ouvert et fermé, mes collègues « écrèment / saignent » les cadres de couvain au-delà de 5, 6 ou 7 cadres et les placent en ruchettes.
Je ne marque plus mes reines pour diverses raisons - mains qui tremblent, désordre dans la colonie résultant de la recherche de reine, risque d’emballage de la reine marquée… - ce qui ne facilite pas les actions d’écrémage.
C’est pourquoi j’ai développé une méthode qui permet d’écrémer sans chercher la reine et sans non plus visiter l’entièreté des cadres.
Lors d’une visite, à partir d’une rive de la ruche je prélève un cadre que je place dans une ruchette et puis je déplace un à un les autres cadres jusqu’à ce que je voie le couvain. Je replace les cadres à leur place et réintroduit le cadre de rive. J’effectue la même manip à partir de l’autre rive de la colonie. Je connais ainsi rapidement le nombre de cadres de couvain.
J’ai bricolé des caissons dont le volume équivaut au volume occupé par trois cadres de corps Dadant. Ils peuvent aisément s’ajuster dans les encoches des crémaillères. Ils serviront à réduire le volume du corps que je décris ci-dessous.
Je prépare un corps munis de deux caissons. Dans ce corps, que je nomme l’ascenseur, il ne reste donc qu’un espace libre pour quatre cadres.
Photo montrant à gauche un caisson valant le volume de trois cadres de corps Dadant, à droite une partition et derrière un corps (ici composé de deux hausses) équipé de deux caissons et montrant l’espace libre pour quatre cadres de corps Dadant.
En partant du bas, une colonie basique comprend : un corps, une grille à reine et une hausse.
Lorsque j’écrème, je secoue et balaie avec douceur les un ou deux cadres de couvain excédentaires pour en écarter les abeilles. Je comble les vides ainsi créés en plaçant des cadres gaufrés en rive du couvain.
Je place ces cadres écrémés dans l’espace libre de l’ascenseur. Je complète selon les cas avec deux ou trois cadres bâtis. Et je place cet ascenseur au-dessus de la hausse.
En partant du bas, la colonie comprend maintenant : un corps, une grille à reine, une hausse ainsi que l’ascenseur abritant les cadres de couvain écrémés et vides d’abeilles.
Je ferme la ruche et donne 24 h à la colonie pour se réorganiser. Durant ce temps, un « effet ascenseur » joue et selon les besoins au sein de cette ruche, les ouvrières se répartissent entre le corps, la hausse et l’ascenseur. Dans ce dernier ce sont principalement des abeilles d’intérieur / nourrices qui recouvrent le couvain. Ce qui réduira grandement les risques ultérieurs de désertions de butineuses de la ruchette vers la ruche souche.
De tels ascenseurs sont placés sur diverses colonies selon mon calendrier de visites.
L’on peut ajouter dans l’ascenseur, un ou deux cadres de nourriture (miel et pollen) frais ou sortis du congélateur la veille. Après 24h ces cadres aussi seront couverts d’abeilles d’intérieur / nourrices qui auront réparé les éventuelles fuites de miel ce qui réduira le risque d’attirer des pillardes pouvant s’attaquer à une ruchette qui n’est pas encore réorganisée.
Après 24h j’enlève les ascenseurs et je prélève les cadres de couvain écrémés et recouvert d’abeilles d’intérieur / nourrices.
Je les vaporise d’eau fraiche, légèrement sucrée et contenant un soupçon d’essence d’eucalyptus. Ceci afin de les calmer et de réduire les conflits potentiels lors de la réunion d’abeilles de colonies différentes.
Ensuite je les place dans des ruchettes Dadant 6 cadres en veillant à avoir dans chaque ruchette trois cadres de couvain ouvert avec œufs et fermé, deux cadres de nourriture avec abeilles et une cire gaufrée en rive.
Le désavantage de procéder en deux étapes est compensé par les avantages de ne pas devoir vérifier tous les cadres de couvain, de ne pas se préoccuper de la reine, d’avoir des cadres couverts d’abeilles d’intérieur / nourrices, et de ne pas devoir éloigner la ruchette à plus de 3 kilomètres pour éviter les désertions.
Photo montrant à gauche un caisson valant le volume de trois cadres de corps Dadant et derrière deux caissons placés dans un corps (ici composé de deux hausses) montrant l’espace libre occupé par quatre cadres de corps Dadant.
Un autre avantage non négligeable. Au cas où la fièvre d’essaimage est enclenchée, la reine amaigrie peut passer au travers de la grille à reine et rejoindre le couvain ouvert et les œufs dans l’ascenseur. Cette situation inattendue permet d’éloigner la reine de la colonie en fièvre d’essaimage. Ce qui va faire tomber la fièvre car la colonie souche va commencer un élevage de reines.
Que les ruchettes soient confectionnées avec des cadres de couvain écrémés avec ou sans reine importe peu quant au suivi des colonies souches et des ruchettes. Dans les deux cas il convient après 2 ou 3 jours de vérifier la ponte de la reine et/ou l’apparition de Cellules royales. Actes qui relèvent du suivi habituel des colonies d’abeilles.
Je reste disponible pour tous compléments d’information concernant la confection des caissons valant le volume de trois cadres de corps Dadant, leur usage pratique et le suivi des ruchettes et des ruches souches. (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)
Pierre Pol Vincke
Apiculteur.
Conférencier apicole.
Docteur en Zoologie (UCL),
entomologiste.