Article publié dans Le Rucher Fleuri de septembre 2012

L’aménagement d’une prairie fleurie dans son  jardin est une façon fort intéressante pour l’apiculteur amateur de concilier l’accueil de la biodiversité, l’aspect esthétique, un entretien réduit et un petit plus pour ses  abeilles. Nous avons vu dans un précédent article comment aménager une prairie fleurie de plantes indigènes à l’image des prés de fauches d’antan. Ces prés de fauche étaient souvent situés sur les terrains les plus pauvres, les bonnes terres étant réservées aux cultures de céréales et de pommes de terre.

 

Ils étaient fauchés traditionnellement vers le mois de juin en vue de la production de foin. L’amateur qui souhaite recréer chez lui une telle prairie se heurte souvent à deux problèmes :
-        souvent le sol de son jardin est trop riche et ce sont les graminées qui prennent le dessus sur les plantes à fleurs
-        vers la fin juin il faut faucher la prairie au risque de voir les plantes qui la composent se coucher au premier orage. Or, en juin, beaucoup de ces plantes sont encore en fleurs et on se prive donc d’une bonne partie de la floraison.

Ces problèmes se résoudront à force de patience,  car en fauchant et en exportant le produit de la fauche chaque année, le sol devient plus pauvre et les graminées deviennent moins concurrentielles. De plus, comme elles poussent moins haut, elles sont plus résistantes à la verse et on pourra retarder le moment de faucher jusqu’au mois d’août.

Une autre façon de procéder consiste à créer une prairie de floraison tardive comme celles qui existaient aux siècles passés en Amérique du nord. La grande prairie poussait sur des limons assez riches et était constituée de hautes plantes herbacées, des graminées et des plantes à fleurs telles que Echinacea purpurea, Aster, Rudbeckia… Ces vastes étendues étaient régulièrement brûlées lors d’orages  ou par des incendies volontaires provoqués par les indiens en vue de regrouper les bisons pour la chasse.

Ces plantes à fleurs sont déjà utilisées dans nos jardins pour l’intérêt de leur longue floraison estivale et automnale. Leurs tiges rigides résistent jusqu’au cœur de l’hiver et leurs fructifications sont fort décoratives lorsqu’elles se couvrent de givre. On peut bien sur y ajouter d’autres plantes vivaces originaires de prairies d’autres continents et qui ont fait leurs preuves sous nos climats.


Mise en œuvre d’une prairie à floraison tardive.

Préparation du sol

On choisira un emplacement dégagé avec minimum une demi journée en plein soleil. Le sol sera débarrassé des herbes à racines profondes et des rhizomes (chiendent, prêle, …). La terre sera bêchée et nivelée comme pour la création d’une pelouse ou d’un parterre. La technique du faux –semis sera utilement appliquée. Il s’agit de préparer le sol comme indiqué puis de laisser germer les graines présentes dans le sol afin de les détruire dès qu’elles sortent de terre. On élimine ainsi une bonne partie de la banque de graines présente dans le sol.

Plantation

On utilise des plantes précultivées en pots de 9 cm. La plantation se fait à une densité de 6 à 8 plantes par m².

Les plantes sont disposées de façon intuitive, comme dans une prairie naturelle. Différents types de plantes sont mises en œuvre pour créer du rythme dans la plantation :
-        Quelques plantes solitaires en faible quantité pour ponctuer et structurer l’espace (Eupatorium maculatum, Vernonia noveboracensis, Veronicastrum lavendelturm , Inula magnifica…)
-        Des plantes hautes « transparentes », dont la finesse des tiges laisse passer le regard ( Actea atropurpurea, Sanguisorba officinalis, Cephalaria gigantea, …)
-        Des plantes à structures dominantes, qui conservent leur structure pendant une grande partie de l’année (Calamagrostis Karl Foester, Foeniculum ‘Giant Bronze’, Verbascum chaixii ‘ Album’, Phlomis tuberosa…)
-        Des plantes à placer en masses denses de plusieurs individus (Aster umbellatus, Phlox paniculata, Echinacea purpurea, Filipendula rubra ‘Venusta’, Persicaria amplexicaule…)

-        Des plantes « vagabondes ». Ce sont souvent des vivaces de courte vie qui se ressèment facilement dans les espaces libres. Elles apportent donc un mouvement, un aspect changeant au fil des années ( Verbena bonariensis, Agastache foeniculum, Digitalis sp. , Alcea …

-        On peut y ajouter des plantes bulbeuses qui fleuriront plus tôt dans la saison ( Camassia leichtlinii, Allium sp., Narcissus sp. …)

Entretien

Dans l’année qui suit la plantation, on veillera à désherber régulièrement et à tuteurer certaines plantes qui ne sont pas encore assez dense pour se tenir droite toute seules.

En fin d’hiver on rabattra les parties mortes des plantes  vivaces. On pourrait le faire dès le début de l’hiver, mais il est sans doute plus intéressant de conserver les fructifications séchées qui seront un atout pour la faune sauvage en tant que nourriture et abri hivernal.

Après une première année de croissance, les plantes auront déjà bien pris leur place et les zones de terre nue entre les plantes seront plus réduites. Il faut cependant être attentif à ce que certains adventices ne s’insinuent dans les souches des plantes où elles seront difficiles à déloger par la suite.

La mise en place d’un mulla peut grandement faciliter le travail. Il inhibe la germination des mauvaises herbes et limite l’évaporation de l’eau du sol par temps sec.  Il peut être composé de matériaux organiques ou minéraux d’une épaisseur de 5 à 8 cm. Les écorces broyées conviennent bien mais il faut absolument éviter de les mélanger à la terre car en se décomposant elles monopolisent les éléments azotés au détriment de votre plantation.  Les mulchs minéraux composés de gravier ne posent pas ce genre de problème mais ils sont plus coûteux.

Pour aller plus loin :

Prairietuinen de Laurence Machiels et Jan Spruyt aux éditions Stichting Kunstboek
Oser la prairie de John Greenlee
Un très bel exemple d’une réalisation de ce type est visible au Jardins d’Hoegaarden
http://www.detuinenvanhoegaarden.be/
Ouvert tous les jours, entrée gratuite