Publié dans le Rucher Fleuri de décembre 2015

Cela ne vous a certainement pas échappé : nos jardins, champs, forêts, berges de rivières, bordures d'autoroutes et voies de chemin de fer sont aujourd'hui le théâtre d'une lutte sans merci entre espèces végétales indigènes et exotiques.

Lequel d’entre vous n'a pas encore été charmé par les magnifiques fleurs blanches, roses ou pourpres de la balsamine de l'Himalaya (Impatiens glandulifera) ? Les enfants adorent presser les capsules matures qui, en éclatant, catapultent leurs graines sur de grandes distances. Nos abeilles également en raffolent parce qu'elle produit dix fois plus de nectar que nos plantes indigènes ! Rien de mal donc si elle se propage ? ? ?
La balsamine a été introduite au 19e siècle en Angleterre pour décorer  les jardins. Les apiculteurs ont rapidement favorisé son développement en la semant dans les alentours de leurs ruchers, et les abeilles, attirées préférentiellement par la balsamine, ont peu à peu délaissé les autres fleurs. Elle a vite pris le pas sur la biodiversité. Au Royaume-Uni, sa vitesse d'expansion a été estimée jusqu'à 38 km par an. En République Tchèque, l'espèce couvre actuellement 56% des berges des cours d'eau. Si son taux de dispersion reste constant, il est attendu que la balsamine couvre l'entièreté des linéaires des cours d'eau d'ici 2025 !

 

L'ombellifère géante de la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) est elle aussi appréciée pour ses vertus esthétiques et mellifères.

Cette plante peut atteindre quatre mètres de hauteur en l'espace de quelques semaines et produire en moyenne
20 000 graines par an. En quelques décennies elle a constitué des populations denses à travers l'Europe . En Wallonie seulement près de 2000 populations ont déjà été répertoriés. Rapidement elle est devenue connue pour sa toxicité et son suc qui contient des substances photo-sensibilisantes. Au contact de la peau, et en combinaison avec la lumière solaire, elle peut provoquer des brûlures graves, voire mortelles.

Depuis 2011, la Wallonie a mis en place un plan de lutte pour freiner l'expansion de la berce du Caucase. Elle fait partie de la liste d'espèces visée par le code de conduite belge sur les plantes ornementales invasives (AlterIAS). Les producteurs et distributeurs de plantes ornementales qui souscrivent à ce code s'engagent à ne plus commercialiser cette plante. Les apiculteurs et les jardiniers amateurs sont invités à suivre cette initiative et à assurer le remplacement de la berce du Caucase par des espèces non invasives comme par exemple le cabaret des oiseaux, le cirse commun, ou l'eupatoire chanvrine.

L'une des plantes invasives les plus préoccupantes est la renouée du Japon (Fallopia japonica). Originaire de la Sibérie et de l'Asie, où elle est réputée pour ses propriétés médicinales, elle sera introduite en Hollande en 1825 et est aujourd'hui largement répandue en Europe. Elle pousse jusqu'à 8 cm par jour pour atteindre en 2 mois 4 mètres de hauteur et se reproduit par multiplication végétative à travers de longs rhizomes. Considérée comme une plante très décorative, elle a longtemps été introduite dans beaucoup de jardins. Sa progression ne se fait pas seulement au détriment de la flore locale, mais également au dépens des populations d'amphibiens, de reptiles,d’oiseaux et de mammifères, car ces derniers dépendent directement ou indirectement des espèces herbacées autochtones.

Plus récemment, une autre plante originaire des hauts plateaux d'Afrique du Sud, a commencé son invasion chez nous. Le séneçon du Cap (Senecio inaequidens) aurait été introduit dans les années 1930 en France par de graines accrochées à des toisons de moutons. Les semences arrivent à s'accrocher à nos voitures et camions et ainsi le séneçon se propage rapidement le long du réseau routier européen. Son expansion est aussi facilitée par d'autres avantages : elle fleurit longtemps ; ne craint ni la sécheresse ni le froid ; ses graines ont une grande longévité et sont facilement dispersées par le vent ; elle résiste bien aux incendies ; et elle contient des alcaloïdes pyrrolizidiniques qui sont toxiques pour les plantes voisines et ses éventuels prédateurs, y compris la plupart des insectes et herbivores.
En France, les cas d'intoxication de cheval par les séneçons sont de plus en plus fréquents. Normalement le goût amer du séneçon repousse les animaux, mais lorsqu'il est coupé et mélangé au foin, il est mangé avec le reste du fourrage. C'est un grand risque pour les chevaux, mais aussi pour tous les bovins, caprins, porcins, etc. Le lait de vache ou de chèvre ayant consommé du séneçon peut aussi être faiblement contaminé. Le miel provenant des abeilles butinant les zones couvertes de séneçon peut aussi contenir des traces toxiques, mais heureusement les quantités sont si infimes qu'elles sont jugées non préoccupantes.

Que faire alors ? Voici un bon conseil de Etienne Branquart du Service public de Wallonie, paru dans un article en 2010 dans le magazine du CARI Abeilles & Cie : « Nous ne pensons pas qu’il soit légitime de tenter de compenser le déficit chronique en ressources florales de nos paysages par l’introduction de plantes exotiques à caractère envahissant, capables d’affecter la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. La solution passe plutôt par la restauration d’un environnement de qualité, moins pollué et plus accueillant pour la biodiversité.»
Dieter

Sources :
Portail Biodiversité en Wallonie, CARI, Alterias, wikipedia, Arte

Plus d'info :     
www.alterias.be
www.europe-aliens.org
http://biodiversite.wallonie.be/invasives
http://www.cari.be/medias/abcie_articles/138_nature.pdf
Dépliant et calendrier à télécharger sur la berce du Caucase:
http://biodiversite.wallonie.be/fr/la-berce-du-caucase.html?IDC=5668