Publié dans le Rucher Fleuri de décembre 2013
Sauveuses de peuplades affamées (les pommes de terre), incontournables de la cuisine (les tomates, aubergines et poivrons ou piments) ou des jardins (les Pétunias et Physalis), elles sont aussi des empoisonneuses célèbres (Belladone, Jusquiame, Datura, Mandragore, Morelles, Tabac).
Leurs fleurs ne sont pas très visitées par les abeilles, et leurs nectars ne sont, heureusement, pas toxiques. Certaines corolles en tubes leur sont inaccessibles.
Laissons les plantes que nous connaissons bien pour présenter ces meurtrières, parfois récupérées par la médecine.
La Belladone, Atropa bella-donna, est, sans doute, la plus célèbre. Atropos est une des trois Parques de la mythologie antique, celle qui tranche le fil de vie des mortels ; tout un programme. Si la plante n’attire pas particulièrement l’attention – 100 à 150 cm ; fleurs d’un pourpre bleuâtre ; odeur fétide - ce sont ses jolies baies noires charnues et brillantes qui sont dangereuses. Elles fondent dans la bouche comme des cerises … 3 de ces fruits tuent un enfant ! Cependant la médecine y a trouvé des propriétés antispasmodiques, anti poison. Et les belles italiennes de la Renaissance instillaient quelques gouttes de ce suc dans leurs yeux pour faire dilater les pupilles et pour augmenter leur séduction ! D’où ce nom de bella donna, la belle femme.
Le Datura stramoine, Datura stramonium, est une plante de 70 à 100 cm aux belles feuilles larges et dentées. Ses fleurs sont de jolies trompettes blanches en entonnoir mais à odeur désagréable et les fruits, petites pommes vertes de 35 à 70 mm, sont couverts d’épines, un peu comme nos marrons en septembre. Dans l’antiquité on l’appelait « l’herbe-aux-sorcières » pour ses pouvoirs maléfiques. Du Datura mélangé à du tabac endormait profondément les fumeurs, ce dont profitaient les filous qui avaient offert les cigarettes. On relate d’autres propriétés plus dangereuses encore, voire mortelles. La médecine en a étudié cependant des vertus proches de celles de la Belladone.
La Jusquiame noire, Hyoscyamus niger, 40 à 80 cm, est une plante un peu trapue, qui n’attire pas le regard. Ses fleurs de 20 à 30 mm, de couleur jaunâtre, ont une odeur désagréable. Ses fruits sont de petites capsules. Plante vénéneuse dont la médecine en a tiré des narcotiques et des antidouleurs. La légende veut que le roi Hamlet ait été empoisonné par du jus de Jusquiame versé dans son oreille pendant son sommeil.
Ce sont des combinaisons de ces trois plantes, Belladone, Stramoine et Jusquiame, qui constituaient les célèbres poisons des Borgia et Médicis au XVIème siècle !
D’autres solanacées, si elles sont moins toxiques, n’en sont pas moins des poisons
La Morelle douce-amère et la Morelle noire. Solanum dulcamara et Solanum nigra.
Deux plantes à tiges grimpantes ou couchées, aux fleurs, très jolies, semblables à celles de nos pommes de terre ou tomates, pourpres pour la première, blanchâtres pour l’autre, aux étamines jaunes. 8 à 14 mm. Les fruits sont des baies rouges ou jaunes, ou noires. Les avis sont partagés : ces plantes et leurs fruits sont-ils toxiques ou pas ? On cite des cas d’empoisonnement, surtout de moutons, mais il paraît que les paysans grecs ou russes s’en nourrissent. Il s’agit, sans doute de dosage, de cuisson ou de variétés.
Contrairement aux autres solanacées, les morelles sont mellifères.
Le tabac, Nicotiana tabacum. Rapporté par Christophe Colomb en 1497, le tabac fut d’abord utilisé, fumé, comme coupe-faim ou comme remède contre les migraines. Puis il fut accusé de nombreuses maladies et fut interdit. On en vint même à condamner à mort les fumeurs ou priseurs en Grande Bretagne, Russie, Turquie et le pape Innocent X lança des excommunications (1650). Rien n’y fit, la « luciférienne fascination » pour le tabac traversa les âges et les États en profitèrent pour le taxer et remplir leurs caisses.
Toutes ces plantes sont indigènes, sauf le tabac, et toutes sont toxiques. On les trouve sur les bords des chemins, dans les friches, dans les décombres, parfois en bordure de cours d’eau.
Toutes contiennent des alcaloïdes, poisons ou remèdes, selon les dosages : la solanine, l’atropine, la nicotine (jadis comme insecticide), la capsaïcine, la cocaïne, la scopolamine, etc.
Cl. Vin.
Bibliographie :
Nouvelle flore de la Belgique … (Jardin botanique national de Belgique)
Les fleurs sauvages (Chr. Grey-Wilson chez Bordas)
« Quelle famille » (Jean Hannoteaux dans l’Abeille de France 1995),
Atlas d’Histoire Naturelle (Végétaux) (J. Grœnland – 1910) pour les dessins