par Ernould S., Gosez M., Huyghe M. et G. Ploegaerts
(Labiris – Institut Meurice)

Le miel donne souvent l’image typique du produit naturel pur et frais mais lorsque l’association des consommateurs Test-Achats fait paraitre son article en février 2017 1, elle indique pourtant que dans plus de deux tiers des cas, la qualité vantée ne se retrouve pas dans les échantillons testés. Et encore… sous la loupe, seule la composition en sucres, l’activité enzymatique, les produits de dégradation dus au vieillissement ou au chauffage et l’origine du pollen ont été examinés.
Exposées à l’air ambiant, butinant les fleurs et s’abreuvant dans les eaux de ruissellement, les abeilles pourraient pourtant être potentiellement contaminées par d’autres substances pouvant influencer la qualité du miel: les métaux lourds ainsi que les résidus de pesticides ou d’herbicides.
On ne dénombre pas moins de 600 ruchers productifs disséminés sur le territoire de la région de Bruxelles-Capitale, très densément peuplée. Se pourrait-il que l’activité de l’Homme aux environs proches des colonies soit effectivement source de contamination des produits de la ruche ? C’est à cette question que nous proposons de répondre par ce projet et dans un premier temps sur le contenu en métaux lourds. Pour ce qui est des normes sur ces éléments, le Codex Alimentarus 2 en fait bien état: « Le miel doit être exempt de métaux lourds à des concentrations qui peuvent constituer un risque pour la santé humaine ». Ce texte n’est donc pas très loquace et en examinant la littérature, il n’existe que peu de choses sur le miel en tant que tel. La législation européenne 3 n’indique de valeur limite que pour le plomb à savoir 0.1mg/kg. Pour la Belgique, l’AFSCA contrôle environ 200 apiculteurs par an et vérifie bien entendu la teneur en Plomb (Pb) dans le miel mais aussi en Cadmium (Cd) et en diverses formes d’Arsenic (As). Cependant, aucune publication officielle des résultats n’est faite.
Face à ce manque d’information, nous avons entamé notre étude sur le miel en y recherchant les éléments qui sont régulièrement analysés dans les aliments. Nous nous doutions que les concentrations devraient être particulièrement faibles et nous avons mis au point un protocole permettant d’exploiter au mieux les capacités des techniques disponibles au laboratoire de chimie analytique de l’Institut Meurice.
Grâce à votre collaboration, nous avons pu analyser plus de 40 échantillons de miel de la récolte 2017 sur Bruxelles et ses environs. Le Tableau 1 ci-dessous reprend le fruit du travail de nos deux stagiaires (Martin Huyghe de l’Institut Paul Lambin et Marvin Gosez de la HE Condorcet à Ath). Dans ce tableau, nous avons ajouté la concentration sous laquelle 95% des échantillons se retrouvent (Q 95%) et un tiret représente une valeur sous le seuil de détection.

Nous avons pu constater que les éléments les plus toxiques (Pb et Cd) n’étaient pas détectés par la méthode utilisée, à l’exception d’un échantillon où les valeurs en Plomb sont anormalement élevées et mériteront un nouveau contrôle. Les teneurs en chrome (Cr) et en palladium (Pd) sont également trop faibles pour être enregistrées par nos instruments. Cuivre (Cu) et Zinc (Zn) sont des oligo-éléments, nous ne nous inquiétons pas des valeurs plus élevées relevées. Quant au Nickel (Ni), il est soumis depuis 2016 à un programme de surveillance4 de sa concentration dans les aliments de la part des autorités européennes à cause de ses propriétés allergisantes mais aucune limite n’a pour le moment été fixée. Celle-ci s’attache aux produits les plus consommés et le miel ne fait pas partie de l’étude initiale. Nous ne pouvons rien conclure quant aux teneurs mesurées dans notre cas mais à titre comparatif, la concentration moyenne du Nickel dans du chocolat tourne aux environ de 1 mg/kg soit bien au-dessus de ce que nous mesurons ici. Nous pensons donc que nos résultats n’ont rien d’alarmant.  Par ailleurs, en examinant les échantillons dans lesquels les concentrations les plus élevées en métaux ont été mesurées, il n’a pas été possible d’établir clairement un parallélisme entre la position géographique de la ruche et une source potentielle de contamination (industrie, dépôt, grande route).

La conclusion que nous pouvons tirer sur la base de l’échantillonnage effectué est qu’il n’y a aucun signe de contamination en métaux lourds du miel de Bruxelles et de ses environs proches par les activités anthropiques. Il serait cependant très intéressant de poursuivre cette étude sur d’autres matrices. Nous pensons particulièrement aux abeilles en elles-mêmes qui pourraient servir de filtre ainsi qu’à la cire car les phénomènes d’accumulation et de concentration des métaux lourds dans les corps gras sont bien connus. A ce titre, nous avons eu l’occasion d’effectuer les mesures sur une ruche où la colonie n’avait pas survécu à l’hiver pour des raisons inconnues. Les résultats sont en effet intéressants (voir Tableau 2). Nous remarquons qu’il y a une forte concentration en Pb et surtout en Cd dans les abeilles et que ces éléments se retrouvent également dans la cire et la propolis. Nous proposerons de suivre également la teneur en Ni mais de ne plus faire de relevé sur le Cu, le Zn et le Cr car ce sont des oligo-éléments. Dans cette étude nous nous étions initialement intéressés au palladium (Pd) car il pourrait provenir exclusivement de la circulation automobile (dégradation des pots catalytiques).  Nous pensons ne pas le retenir dans la liste de la prochaine étude car, tout comme dans les miels, il n’est à nouveau pas détecté dans aucune des autres matrices testées ici.

Nous remercions toutes les personnes ayant pu nous fournir des échantillons pour cette étude. Comme vous auriez pu le deviner, nous aimerions vous remettre une fois encore tous à contribution pour nous fournir un maximum d’échantillons d’abeilles, de cire et/ou de propolis afin de pouvoir poursuivre nos recherches. Plus ce nombre sera important, plus les résultats seront significatifs. D’avance merci pour votre précieuse collaboration.

Grégory Ploegaerts et toute son équipe d’étudiants